Journée greffage à Pailly
Samedi 12 avril 2025 , journée consacrée au greffage à Pailly.
À la Saint Jules, greffe sans scrupule, le fruit viendra, doux comme une virgule.
Ce samedi, la terre a parlé, les arbres ont écouté — et nous, nous avons greffé. Une journée suspendue hors du temps, placée sous le signe de la simplicité joyeuse, du savoir transmis, des rires échangés et du soleil… brûlant, tenace, complice.
À l’ombre douce d’une longère pleine de charme, témoin discret de bien des saisons depuis 1870, 35 passionnés ou curieux se sont laissés porter par le bal des greffoirs et des anecdotes. Deux démonstrations — une le matin, une l’après-midi — ont vu se croiser les gestes experts, les regards émerveillés, et les questions pleines de bon sens. Ici, on parlait de greffes et de porte-greffes, là de la météo de 1963 ou de la récolte de prunes de la grand-mère Augustine. Les histoires du village reprenaient racine.
Mais c’est à midi que les cœurs se sont vraiment ouverts : autour d’un repas partagé en toute convivialité devant la longère, les saveurs rivalisaient avec les sourires. Puis vint le moment d’un discours simple et bouleversant, celui d’Anne-Marie, la voix tremblante mais le regard lumineux : « Ce jardin-verger, on le soigne depuis 37 ans. Il s’était endormi… Mais aujourd’hui, la vie est en train de gagner. Merci à tous. » À ses côtés, Martin Luc hochait la tête, le silence autour parlait pour lui.
La greffe, ce jour-là, n’était pas que sur les arbres. Elle s’opérait aussi entre les générations. Car au cœur de tout cela, il y avait Elena, 11 ans, concentrée comme une chercheuse, passionnée comme une poète en herbe. Elle maîtrisait les gestes, écoutait chaque mot, posait des questions précises — et rêve déjà d’un arbre aux mille fruits où l’on pourrait se promener en croquant celui qu’on préfère.
Alors oui, quelque chose a pris, quelque chose a pris racine.
On parle déjà des tailles de formation à venir, des prochains greffons, des variétés anciennes à sauver et à partager, d’échanges avec les vergers conservatoires voisins. Les projets bourgeonnent. Le réseau s’étoffe. Le vivant circule. Et les liens, eux aussi, se greffent.
Preuve de l’enthousiasme collectif, plusieurs personnes venues de l’extérieur — conquises par l’atmosphère, la pédagogie, l’humanité de la journée — se sont empressées d’adhérer à la Société Horticole de Sens, comme on rejoint une famille qui cultive bien plus que des fruits : un art de vivre, une transmission, un avenir commun.
À la Saint Jules, nous avons semé bien plus que des greffons : nous avons planté des sourires, des souvenirs, et peut-être… un avenir plus fertile.
Jean-Luc Bauer